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dimanche 3 juillet 2011

Hanoï-Saïgon, l'express des rizières

Hanoï-Saïgon, l'express des rizières
Matin pourpre à Hanoï. La brume s'est emparée de la gare, le jour tarde à se lever. Sur le parvis, les gymnastes septuagénaires trottinent et vont d'un pas alerte à leur chorégraphie bienfaisante. En partance sur le quai 2, les voyageurs endormis traînent leurs ballots comme des boulets. Sous les lueurs jaunâtres des lampes à sodium, l'équipe du train SE7 s'affaire : derniers préparatifs avant le grand départ pour Hô Chi Minh-Ville (l'ancienne Saigon).
Un jeune contrôleur, l'oreille collée à son téléphone portable, adresse un au revoir suave… comme un marin quittant le port. La corne de brume du vaisseau ferroviaire fantôme émet sa longue plainte, avise les retardataires de l'imminence du départ, et avertit les riverains de son passage prochain.
A 6 h 15 précises, le train s'ébranle dans le vrombissement des moteurs diesel. Le convoi traverse le quartier, frôlant de chaque côté les maisons, soulevant le linge, séisme quotidien de magnitude aléatoire. Il longe le parc Lénine puis traverse les boulevards déjà chargés de motos, passe devant l'hôpital Bach Mai et, dans un bruit de sirène, signifie son adieu à la capitale.
Dans le train, tous les agents sont à leur poste. En une brève annonce sonore, le menu du petit déjeuner est déclamé : pho de boeuf ou de poulet, la soupe traditionnelle du Nord ; my xao, nouilles sautées ; chào gà, soupe de brisures de riz au poulet.
Le train file plein sud, entame sa traversée de la grande plaine et longe le fleuve Rouge. A l'infini, le grand tapis vert des champs de paddy se déroule, les rumeurs de la ville sont oubliées. Sur les damiers des terres inondées, depuis des générations, les femmes se courbent à la tâche sous leur chapeau conique. Debout dans la boue froide, accompagnées par les génies du sol, elles repiquent avec application. Entre les tiges, dans l'eau miroir du ciel, c'est le pays tout entier qui se reflète.
Le train donne l'impression que le long matin n'en finit pas de se lever. Il nous transporte dans les paysages bucoliques du pays encore aux trois quarts rural (voir le diaporama Paysages du Vietnam, du nord au sud). Sur les diguettes entre les champs inondés, les gardiens de buffle errent lentement ; les palmiers à sucre annoncent la traversée de la province de Thanh Hoa. Entre rêve et réalité, les villages défilent telles des guirlandes de maisons.
Les architectures apparaissent subitement, comme des diapositives. Ici une petite ferme bleu humide, là une maison coloniale badigeonnée de jaune, plus loin un bâtiment gris sans charme des années 1970, siège d'un quelconque comité populaire. Le Nord s'éveille, mais il faut le quitter. En route vers l'ailleurs, l'Annam, puis le Sud et ses tropiques pleins de promesses. A la sortie de Vinh, la voie ferrée part en direction du Laos et suit les méandres de la rivière Gianh. Au loin se profile la cordillère Annamitique, colonne vertébrale, barrière naturelle contre laquelle s'adosse le pays.
Assis dans un coin, Cung scrute le paysage. Ingénieur vivant à Vung Tau (ex-Cap Saint-Jacques, près de Saigon), il vient pour la première fois retrouver son village natal, quitté vingt-cinq ans auparavant. “Vingt-sept heures pour rentrer au pays, cela me laisse le temps de revoir le paysage. C'est pour cela que j'ai choisi le train. L'avion coûte cher, et puis je veux tout voir.”
L'histoire nous rattrape dans les premières grandes plaines du Centre, l'ancien Annam. Aux abords de chaque pont, de chaque croisement, les rizières s'arrondissent, épousant les formes concentriques des mares. Les bombes lancées depuis les airs ont laissé sur la terre un dessin qui, malgré le temps, ne s'efface pas. Près du 17e parallèle, nous traversons la rivière Ben Hai : zone démilitarisée de 1954 à 1975, elle servait de frontière entre les deux pays, le Nord-Vietnam et le Sud-Vietnam.
Dans les voitures hard seat, les sièges sont en bois. Les billets sont moitié moins chers, et la densité des voyageurs y est de loin supérieure. La traversée d'un tel wagon s'apparente à une épopée. Tout accès semble barré, infranchissable. Un enchevêtrement de pieds, de mains, de bras et de corps, tantôt sur les banquettes, tantôt à même le sol sur des nattes. Les employés du service de restauration ne se laissent pas intimider.
A leur avertissement, ils engagent leur chariot entre les sièges ; membres, têtes et cabas s'effacent temporairement dans des grognements caractérisés. Ici et là les commandes fusent ; des billets passent de main en main, auxquelles sont renvoyés en retour marchandises et boissons : maïs cuit à la vapeur, oeufs couvés, viande de boeuf séchée et pimentée, yoghourts, alcool de riz, café, thé… Dans les wagons soft seat, l'atmosphère est climatisée. Une moitié des sièges regarde l'autre : au centre, deux écrans plats diffusent en boucle documentaires et films d'action de Hong Kong (voir le diaporama Dans le train, avec les Vietnamiens).
Dehors la nuit tombe. Le chef du train annonce enfin l'arrivée à Huê. Après 13 heures de voyage, la litanie de fer s'arrête pour une escale de calme et de charme dans l'ancienne ville impériale.
Deux jours plus tard, à 6h, retour à la gare rose pour un nouveau départ. Le train SE5 en provenance de Hanoi repart en direction de Nha Trang et des plages du sud. La citadelle impériale, la rivière des Parfums, les tombeaux royaux, pagodes et maisons-jardins sont rangés au rayon des souvenirs. Le ramdam des rails reprend de plus belle. Route de terre, route de fer, les deux itinéraires se côtoient et se croisent. La "route mandarine" décrite par Roland Dorgelès (Sur la route mandarine, Kailash, 1997), a perdu son charme. Les rizières ont quasi disparu au profit de bassins d'élevage de crevettes. L'activité commerçante s'est greffée comme un chancre monstrueux le long de l'axe jadis enchanteur.
Le tracé du train, lui, a conservé toute son originalité, et permet une découverte unique de paysages épargnés par la frénésie de la croissance économique. Pour contourner le col des Nuages, les rails s'en vont jouer les équilibristes au dessus des flots salés, empruntent les tunnels pour déboucher de l'autre côté du massif dans la baie de Da Nang, l'ancienne Tourane. Ici s'étendait le pays des rois cham, de culture hindoue qui, du IXe au XVe siècle, dominèrent le centre de l'actuel Vietnam. En témoigne le sanctuaire de My Son, proche de Hoi An.
Nha Trang, principale cité balnéaire du Vietnam, s'enorgueillit de ses longues plages et de son ensoleillement exceptionnel. A l'entrée en gare, l'ancien château d'eau est toujours là. Il servait à alimenter les locomotives à vapeur, les dernières Pacific qui reliaient Hanoi à Saigon, et qui furent utilisées jusqu'à la fin des années 1980.
Quand le train repart de Nha Trang, il traverse une vaste plaine en direction de Phan Rang. Jadis les tigres peuplaient ici la forêt. On entendait de la gare leurs râles qui terrorisaient la population. Depuis, les grands mammifères et les diptérocarpacées qui leur servaient d'abri ont disparu, remplacés par les cultures qui font la richesse de la région. Seuls les manguiers géants, gardiens de la plaine, témoignent encore des temps anciens de ce pays de cocagne.
Dans la gare de Phan Rang, les temples Po Klong Garai sont les derniers vestiges cham visibles depuis le train. Le long de la voie, les fours des briqueteries et des poteries rappellent les spécialités techniques dans lesquelles les artisans cham excellent toujours.
Toan, 25 ans, est contrôleur depuis quatre ans pour les chemins de fer du Vietnam. Saigonnais, il prend chaque semaine le train pour Hanoi puis revient quatre jours plus tard. Il travaille huit à dix heures de suite, puis se repose quatre ou cinq heures dans le wagon réservé au personnel où la vingtaine de contrôleurs se relaient. Le train est le transport de tous. Fonctionnaires, soldats, agriculteurs et ouvriers le préfèrent pour leurs déplacements parce qu'il est bon marché et surtout qu'il est plus sûr, la route étant un lieu de carnage.
Pour les voyageurs étrangers, le train offre du temps pour les rencontres. L'Asie ne se découvre pas dans les téléportations aériennes. Le trajet de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville en deux ou trois étapes est un voyage à travers le pays et les saisons. Tandis qu'au nord, on commence à peine le repiquage, au centre, le riz vert est déjà haut et l'on procède au sarclage et au sud, où le paddy est mûr et jaune, l'activité est centrée sur la moisson et le battage.
Avant d'arriver à Hô Chi Minh-Ville, le train monte à l'assaut d'un plateau de latérite. Le long de la voie, plantés comme une armée de soldats au garde-à-vous, les hévéas au tronc nu arborent leur frondaison vert sombre.
Hô Chi Minh-Ville est enfin annoncée. Au passage sur la rivière Dong Nai, les téléphones portables des voyageurs entrent en action. Les jeunes filles se recoiffent, ajustent leurs vêtements. Hô Chi Minh-Ville a un goût de liberté. De toutes les provinces du Nord, on vient y poursuivre ses rêves de réussite, ses fantasmes de vie heureuse. La ville attire les capitaux, aimante les énergies et la jeunesse. A l'approche du centre, les armées de motos semblent converger vers un lieu miraculeux.
Quelques minutes avant d'entrer en gare, le haut-parleur diffuse un chant à la gloire de Hô Chi Minh alors qu'une voix félicite les voyageurs qui ont accompli les 1 726 km depuis Hanoi avant de leur souhaiter “bonne chance et bonheur”, ultime message aux passagers d'un navire abordant la terre promise.
Par Nicolas Cornet
(source: Le Monde - 24 juin 2011)


traduction
Hanoi-Saigon, the expression of riceIncrease text sizeReduce textPrintSend to a friend
Purple morning in Hanoi. The mist has taken over the station, the day is slow to get up. On the square, the gymnasts are in their seventies and trot at a brisk choreography to their beneficent. Departing on the platform 2, the sleeping travelers dragging their packs as balls. Under the yellowish glow of sodium lamps, the train crew is working SE7: final preparations for the big departure in Ho Chi Minh City (formerly Saigon).
A young controller, ear glued to his cell phone sends a goodbye sweet ... like a sailor leaving port. The ship's foghorn ghost train makes its long complaint, notify the laggards of the impending departure, and warned the residents of its passage this year.
At 6 h 15 accurate, the train moves in the roar of diesel engines. The convoy passes through the district, bordering the houses on either side, lifting the machine, random magnitude earthquake daily. It runs along the Lenin Park and crosses the boulevard already loaded with bikes, past and Bach Mai Hospital, a siren sound means his farewell to the capital.
On the train, all agents are at their posts. In a brief announcement sound, the breakfast menu is recited: pho beef or chicken, soup traditional North my xao, fried noodles, Chao ga, broken rice soup with chicken.
The train line south, began his crossing of the great plains and along the Red River. At infinity, the great green carpet of paddy fields takes place, rumors of the city are forgotten. On the checkerboard of flooded land for generations, women bend to the task under their conical hats. Standing in the cold mud, accompanied by earth spirits, they diligently transplanting. Between the rods in the water mirror of the sky, the entire country is reflected.
The train leaves the impression that the long morning never ceases to rise. It takes us into the pastoral landscapes of the country at three quarters areas (see the slideshow Landscapes of Vietnam from north to south). On the bunds between the flooded fields, the guardians of buffalo wander slowly, palm sugar announce the crossing of the province of Thanh Hoa. Between dream and reality, villages such garlands parade of homes.
Architectures appear suddenly, like slides. Here a small farm wet blue, then brushed with a yellow colonial house, later a gray building with no charm of the 1970s, home of any people's committee. North wakes, but you have to leave. En route to elsewhere, Annam, and south tropical and full of promise. At the end of Vinh, the railway goes towards Laos and meanders along the river Gianh. In the distance looms Annamite Cordillera, spine, natural barrier against which leans the country.
Sitting in a corner, Cung scans the landscape. Engineer living in Vung Tau (formerly Cap Saint-Jacques, near Saigon), we first find his native village, leaving twenty-five years ago. "Twenty-seven hours to return home, it leaves me time to review the landscape. That's why I chose the train. The plane is expensive, and then I want to see everything. "
The story catches up with us in the first Great Plains Center, the former Annam. On the edge of each bridge, each cross, the rice rounded, wedding forms concentric pools. The bombs dropped from the air have left the earth a design that, despite the time, not erased. Near the 17th parallel, we crossed the Ben Hai River: DMZ 1954 to 1975 she served as a border between the two countries, North Vietnam and South Vietnam.
In the hard seat cars, the seats are wooden. Tickets are half as expensive, and the density of passengers is far superior. The crossing of such a car is like an epic. All access seems blocked, impassable. A tangle of feet, hands, arms and body, sometimes on the bench, sometimes on the floor on mats. The catering staff do not let themselves be intimidated.
In their warning, they hire their carts between the seats, members, heads and bags disappear temporarily grunts characterized. Here and there fuse controls; notes passed from hand to hand, which are sent back goods and beverages: steamed corn, incubated eggs, beef jerky and chili, yogurt, rice wine, coffee, tea ... soft seat in the cars, the atmosphere is heated. Half of the seats look the other in the center, two flat screens broadcast documentaries and loop action films of Hong Kong (see the slideshow On the train, with the Vietnamese).
Outside the dark. The head of the train finally announced the arrival in Hue. After 13 hours of travel, the litany of iron stop for a stop of calm and charm in the old imperial city.
Two days later, at 6am, returning to the station rose to a fresh start. SE5 train from departing for Hanoi Nha Trang and southern beaches. The Imperial Citadel, the Perfume River, the royal tombs, pagodas and garden homes are placed to the radius of memories. The fuss rails starts over again. Dirt road, route of iron, the two routes come together and intersect. The "Mandarin Road" described by Roland Dorgelès (On the Mandarin Road, Kailash, 1997), has lost its charm. Rice fields have virtually disappeared in favor of shrimp ponds. The commercial activity was grafted as a monstrous blight along the axis once enchanting.
The route of the train, it has retained its originality, and enables discovery of unique landscapes untouched by the frenzy of economic growth. To work around the neck of the Clouds, the rails are going to play the tightrope above the salt waves, borrow the tunnels lead to the other side of the massif in the bay of Da Nang, the old Touran. Here lay the land of the Cham kings, Hindu culture, the ninth to the fifteenth century, dominated the center of the current Vietnam. Witness the My Son Sanctuary, near Hoi An
Nha Trang, Vietnam's main seaside resort, is proud of its long beaches and the sunshine. At the station entrance, the old water tower is still there. It was used to power the steam engines, which linked the latest Pacific Hanoi to Saigon, and were used until the late 1980s.
When the train resumes from Nha Trang, he crosses a vast plain towards Phan Rang. Once inhabited by tigers in the forest. We could hear their groans from the station who terrorized the population. Since then, large mammals and dipterocarp which served as shelter are gone, replaced by crops that enrich the area. Only the giant mango trees, guardians of the plains, still bear witness to ancient times this land of plenty.
The station of Phan Rang, temples Po Klong Garai Cham are the last remnants visible from the train. Along the way, the brick kilns and pottery reminiscent of the technical specialties in which artisans cham always excellent.
Toan, 25, is controller for four years for the railways of Vietnam. Saigon, he takes the train every week to Hanoi and then returned four days later. He works eight to ten hours in a row, then rest four or five hours in the car reserved for the staff where the controllers take turns twenty. The train transportation for all. Officials, soldiers, farmers and workers prefer for travel because it is cheap and above all it is safer, the road is a place of carnage.
For foreign travelers, the train provides time for meetings. Asia is not discovered in the air teleportation. The trip from Hanoi to Ho Chi Minh City in two or three steps is a trip across the country and season. To the north is just beginning transplanting, the center, the green rice is already high and it makes weeding and south, where the paddy is ripe and yellow, the activity is centered on the harvest and threshing.
Before arriving in Ho Chi Minh City, the train is climbing to a plateau of laterite. Along the way, planted as an army of soldiers at attention you, rubber trunk naked fly their dark green foliage.
Ho Chi Minh City is finally announced. In passing on the Dong Nai River, the mobile phones of travelers into action. The girls recoiffent, adjust their clothing. Ho Chi Minh City has a taste of freedom. Of all the northern provinces, people come here to pursue his dreams of success, his fantasies of happy life. The city attracts capital, loving energy and youth. Approaching the center, the armies of bikes seem to converge towards a miraculous place.
A few minutes before entering the station, the loudspeaker broadcasts a song in honor of Ho Chi Minh while a voice welcomes travelers who have completed the 1,726 km from Hanoi before wishing them "good luck and happiness" , the ultimate message to the passengers of a ship approaching the promised land.
By Nicolas Cornet
(Source: Le Monde - June 24, 2011)

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