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dimanche 12 juin 2011

Vietnam : des millions d’emplois qui n’existent pas!

(ninachauvet.wordpress.com) - Vingt-cinq ans après un virage libéral «  à orientation socialiste  », le Vietnam est un pays plus riche. Et les inégalités y sont moins fortes qu’en Chine. Grand perdant : le secteur informel, pourtant premier employeur des pauvres.
Ici, des millions de deux roues s’entassent dans les rues, et rythment la trépidante vie des grandes villes. Ici,  immeubles et nouvelles demeures poussent à chaque minute, bouleversant les campagnes et gonflant les métropoles. Ici, la consommation de masse a remplacé les tickets de rationnement. Ici, tout est frénésie ! Le Vietnam de 2011 court, mais vers quelle destination ? A en croire les chiffres et les discours, le pays vogue sur les eaux de la prospérité. Il rêve d’être le nouveau dragon de l’est asiatique. Et la population partage cet enthousiasme : 61% des Vietnamiens déclarent être optimistes pour l’avenir (1).
« Un pays riche, puissant, démocratique et civilisé. Voilà notre nouveau slogan », entonne avec fierté Thanh, la quarantaine. Dans sa maison de la capitale Hanoï, cette journaliste aborde sans complexe le tournant économique pris par le Vietnam il y a 25 ans. « Quand on a connu les guerres, la douleur et la pauvreté jusqu’en 1975, puis une vie âpre jusqu’au début des années 1990, on comprend pourquoi les Vietnamiens veulent s’enrichir aujourd’hui. Et c’est grâce à cette volonté de chacun que le pays avance à pas de géant », poursuit-elle.


 Il est vrai qu’avec une croissance autour de 6% depuis plus de dix ans, le Vietnam évolue vite. Premier exportateur de riz à égalité avec la Chine, il se place aussi en tête pour les ventes mondiales de poivre, de noix de cajou, ou plus surprenant, à la deuxième place pour le café. Il prospère aussi grâce à ses ventes de pétrole brut et à ses usines textiles, des produits à faible valeur ajoutée cependant et qui emploient surtout une main d’œuvre peu qualifiée. Il n’empêche : les indicateurs sociaux confirment la percée du pays. La pauvreté serait passée de 58% en 1993 à 14% en 2008. Si les chiffres satisfont l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) que le Vietnam a rejoint en 2007, les choix du Parti communiste au pouvoir ont-ils réellement profité à une majorité de citoyens?
« Les enquêtes ne montrent pas une montée massive des inégalités comme celle que l’on observe en Chine avec les mêmes instruments statistiques, souligne François Roubaud, économiste à l’institut de recherche pour le développement (IRD) basé à Hanoï. L’une des explications de cette différence réside dans la très forte politique de redistribution entre provinces.  Qui plus est, le pays ne fait que 50 km de large par endroits. L’intégration entre zones rurales et zones urbaines se fait donc plus facilement ».  Même si l’exode rural pourrait faire bientôt apparaître des bidonvilles, jusqu’ici rares, autour des grands centres urbains.
Un frigo et une télé
Durant les vingt cinq années qui se sont écoulées depuis le lancement en 1986 de la politique du doï moï, l’entrée dans « une économie de marché à orientation socialiste », ont vu un enrichissement assez net du pays. Et la constitution très récente d’une classe moyenne, employée surtout dans le secteur privé formel. « Elle demeure cependant très minoritaire, prévient François Roubaud. Car 70% des Vietnamiens, les plus pauvres, vivent en zone rurale. Et 50% des actifs du pays sont agriculteurs tandis que la classe moyenne se concentre principalement en ville. » Le niveau de vie et celui des infrastructures reste inférieur pour les ruraux.
Pourtant les paysans ne sont pas moins avares de compliments sur le Doï Moï.  Au milieu d’un champ de laîche de l’île de Long Island, sur le delta du Mékong, Cau, femme d’une quarantaine d’année, travaille à la récolte sous un soleil de plomb : « Notre salaire est de deux dollars par jour. C’est encore peu. Mais grâce à la politique du doï moï nous avons eu accès à des biens comme le réfrigérateur ou la télévision, qui améliorent notre quotidien. De plus, grâce au développement des axes routiers, nous pouvons aller vendre nos productions en ville très facilement, alors que c’était un vrai parcours du combattant il y a 20 ans ».
Reste que l’ouverture ne s’est pas faite sans failles. Si officiellement chaque Vietnamien a droit à la santé et à l’éducation, dans la réalité, le dessous de table est indispensable pour être opéré ou obtenir une place de choix dans une école bien cotée… Une pratique qui exclut automatiquement les plus pauvres.
Pour autant, aux yeux de nombreux Vietnamiens, l’ascension sociale des uns n’est pas perçue comme source d’inégalités par les autres, mais plutôt comme une opportunité, pour eux- mêmes ou leurs enfants, de s’enrichir demain, à leur tour. « Les différences de niveau de vie existeront toujours, estime Lê Vàn Trung, tailleur dans la capitale.  Mais si le pays continue à se développer ainsi, les pauvres seront de moins en moins nombreux. Ma fille, qui a fait des études, aura une bien meilleure situation que la mienne et pourra certainement être embauchée dans une bonne entreprise privée. » La confiance dans les promesses de l’éducation reste générale chez les Vietnamiens qui en la matière comptent cependant sur leurs propres efforts, financiers notamment, plutôt que sur ceux, très insuffisants, de l’Etat.
Informels et vulnérables
Si le doï moï a permis un incontestable rebond du pays, le Vietnam est loin d’être le miracle asiatique qu’il prétend incarner. Car le pouvoir, qui voudrait tout contrôler, se révèle incapable de corriger les faiblesses de l’économie. Témoin, la toute puissance de l’informel. « 81% de l’emploi au Vietnam est informel (2), explique Mireille Razafindrakoto, économiste de l’IRD. Pourtant aucune politique spécifique ne s’adresse aux travailleurs de ce secteur. Comme si l’Etat niait son existence ». L’économie informelle ne fournit, il est vrai, qu’un tiers du PIB. Certes pour quelques-uns, elle est une source importante de gains. Ainsi, des professeurs, dont le salaire est très faible, et qui doublent ou triplent leurs revenus en donnant des cours supplémentaires non déclarés. Ou des petits entrepreneurs de la construction qui profitent de la forte demande de locaux liée à la croissance.
Mais pour l’écrasante majorité de ceux qu’il emploie, le secteur informel permet juste de survivre, au milieu de toutes sortes de tracasseries. Car si la corruption frappe tout le monde, ceux dont le statut légal est incertain sont plus vulnérables. « C’est difficile de vendre sur le trottoir, explique Hào, 58 ans, vendeuse de soupe de riz à Ho Chi Minh.  . Les policiers me posent beaucoup de soucis. Quand ils arrivent, ils jettent mon étal par terre. Et il faut que je rachète tous les ingrédients ».
 
Au regard de la loi pourtant, les micro-entreprises informelles ne sont pas forcément interdites au Vietnam. En dessous d’un certain revenu mensuel (3), les travailleurs ne sont pas obligés de déclarer leur situation. Mais l’application des textes est laissée à l’appréciation des forces de l’ordre… Par ailleurs, les entreprises informelles paient, comme les autres, des taxes. Mais ici encore, l’arbitraire domine. Les autorités locales, tels que les chefs de quartier, se chargent de percevoir ces impôts, après en avoir évalué le montant à l’œil. Ou l’avoir « négocié » avec le contribuable concerné…. L’impôt sur le revenu existe, mais depuis 2009 seulement. Et à ce jour, l’Etat n’en retire que de modiques sommes, faute de moyens de contrôle des revenus. Il compte davantage sur les taxes foncières, alors que les prix de l’immobilier flambent, ou sur les exportations de pétrole brut pour alimenter les caisses de l’Etat.
Quelles que soient ses difficultés, l’informel a encore de beaux jours devant lui. « Malgré la croissance phénoménale du Vietnam, le secteur privé formel actuel n’est pas assez grand pour absorber la main d’œuvre qui arrive tous les ans sur le marché du travail (un million de personnes, selon l’Agence française de développement). Et pourtant, l’Etat continue à ignorer le secteur informel. Ce ne serait pas aussi grave si la croissance pouvait entrainer celui-ci. Mais il est totalement déconnecté des grosses entreprises,  car il n’a pas les moyens d’être un sous-traitant efficaces pour elles. La taille moyenne des unités informelles  (hors activités agricoles) est de 1,5 personne, ce qui limite toute augmentation de productivité », argumente Mireille Razafindrakoto.
Etre moderne avant 2020
A défaut de s’intéresser  à l’informel, l’Etat aide les autres secteurs de l’économie. Et d’abord, le monde agricole qui incarne encore fortement l’identité du pays même s’il ne contribue qu’à 20,7% du PIB. Un texte entré en vigueur en mai permet, par exemple, d’exempter de taxes les terrains d’agriculteurs pauvres. Et un plan de formation des travailleurs ruraux a été récemment lancé.  Surtout, le pouvoir affiche sa volonté d’attirer les investissements étrangers et allège d’année en année les démarches pour l’installation de grandes entreprises. « Mais l’entre-deux, la petite et moyenne entreprise,  qui appartient très souvent à l’informel, reste oubliée », déplore François Roubaud. Des politiques dynamiques de micro-crédit ou l’octroi de facilités bancaires permettraient pourtant de régulariser la situation d’un grand nombre de ces entreprises et d’accroître leurs capacités d’embauche.
Lors du congrès du Parti communiste vietnamien, en février dernier, les dirigeants ont proclamé leur volonté de parvenir à une économie moderne et industrielle d’ici 2020, en privilégiant une main d’œuvre qualifiée qui pour l’heure fait largement défaut au pays. Un horizon d’autant plus court que le Vietnam doit composer avec une sérieuse inflation (12% en 2010), une corruption généralisée, et des besoins énergétiques toujours plus élevés (lire Vietnam : pari sur le nucléaire). Penser la diversification et la valorisation de son économie est pourtant essentiel si le pays veut vraiment prétendre jouer un jour dans la cour des grands d’Asie.
Fanny Costes

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